Dans le cadre du stage en bibliothèque que je fais actuellement, j’ai enregistré la lecture à haute voix d’un extrait de L’amica geniale (L’amie prodigieuse) d’Elena Ferrante – dont je vous conseille par ailleurs la lecture, si ce n’est pas encore fait. Au cas où ça intéresserait d’autres gens que nos usager⋅es de m’entendre lire en italien, voici l’enregistrement :

Enregistrement de ma lecture des pages 16 à 19 de L’amica geniale d’Elena Ferrante, Edizioni e/o, 2011

Traduction de l’extrait, tirée de la traduction française d’Elsa Damien publiée chez Gallimard :

La mère de Rino s’appelle Raffaella Cerullo, mais tout le monde l’a toujours appelée Lina. Pas moi : je n’ai jamais utilisé ni ce premier ni ce deuxième prénom. Depuis plus de soixante ans, pour moi elle est Lila. Si je l’appelais Lina ou Raffaella, comme ça, d’un coup, elle penserait que notre amitié est finie.
Cela fait au moins trois décennies qu’elle me répète vouloir disparaître sans laisser de trace, et il n’y a que moi qui sache vraiment ce qu’elle veut dire. Elle n’a jamais eu à l’esprit une quelconque fugue, un changement d’identité, ou rêvé de refaire sa vie ailleurs. Et elle n’a jamais pensé au suicide, dégoûtée comme elle est à l’idée que Rino se retrouve avec son corps et soit obligé de s’en occuper. Son intention a toujours été différente : elle voulait se volatiliser, disperser chacune de ses cellules, et qu’on ne retrouve plus rien d’elle. Et comme je la connais bien, ou du moins je crois la connaître, je parie qu’elle a trouvé un moyen de ne pas laisser la moindre trace dans ce monde, pas un cheveu, nulle part. […]

Je me suis assise à mon bureau.
Lila va trop loin, comme d’habitude, ai-je pensé.
Elle élargissait outre mesure le concept de trace. Non seulement elle voulait disparaître elle-même, maintenant, à soixante-six ans, mais elle voulait aussi effacer toute la vie qu’elle laissait derrière elle.
Je me suis sentie pleine de colère.
Voyons qui l’emporte cette fois, me suis-je dit. J’ai allumé mon ordinateur et ai commencé à écrire notre histoire dans ses moindres détails, tout ce qui me restait en mémoire.

Elena Ferrrante, L’Amie prodigieuse, trad. d’Elsa Damien, Gallimard, 2014
Catégories : Lecture

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